Peux-tu m’en dire un peu plus sur tes études et ton parcours ?

J’ai un parcours assez classique : prépa, double-licence, puis je suis entrée en Master Gestion des Ressources Humaines à Sciences Po. J’avais comme objectif un peu utopiste de rendre les salariés heureux dans leur job. J’ai ensuite travaillé en RH et dans le recrutement, mais j’ai rapidement trouvé ça très répétitif.

Pensant que le conseil me stimulerait plus, j’ai suivi un Master en Stratégie et Conseil à l’ESCP avant de décrocher mon premier CDI dans le conseil en management. Les clients étaient de grosses entreprises, les process étaient très longs et tout était très politique : je me suis rendue compte que ça n’était pas fait pour moi.

Là je me suis dit : “Qu’est-ce que tu vas faire de ta vie ?” et c’est à ce moment qu’a démarré la question de la quête de sens…

 

Qu’est-ce qui t’a amenée à poser ta démission ?

J’étais déjà passionnée par la formation et l’enseignement et je lisais beaucoup de choses sur le développement personnel. J’avais en tête l’idée qu’il fallait que j’aie ma propre boîte un jour, alors j’ai rencontré beaucoup d’entrepreneurs et j’ai rejoint une start-up dans les EdTech.

Comme j’avais déjà démissionné de mon cabinet de conseil, mon entourage me posait beaucoup de questions : comment j’avais fait, la peur du risque etc. J’ai pu identifier toutes les problématiques récurrentes et je me suis dis qu’il manquait un média de référence sur le sujet qui soit utile, concret et moderne.

C’est comme ça qu’est né Pose ta Dem’, que j’ai vraiment lancé en Janvier 2018. J’ai voulu rendre la reconversion fun et audacieuse : Dans Pose ta Dem’ il y a ose. Mais ma volonté était surtout de créer un écosystème complet autour du sujet : avec un média, une communauté, la formation en ligne, le coaching individuel, les événements etc.

 

Comment Pose ta Dem’ aide ceux qui veulent quitter leur job pour devenir freelance ?

En premier lieu pour s’inspirer, il y a nos articles, nos interviews et un groupe Facebook privé sur lequel plus de 1000  personnes échangent sur les projets des uns et des autres.

Ensuite on travaille ensemble. J’accompagne deux types de profils : celui qui n’a aucune idée, et celui qui ne sait pas comment mettre son projet en action. Dans le premier cas on va définir le projet ensemble tandis que dans le second on va définir un positionnement, des axes de communication, le bon personal branding etc.

 

Tu as toi-même démissionné pour te reconvertir. Ce qui a fonctionné pour toi fonctionne aussi pour tes clients ?

Oui ça fonctionne : c’est d’ailleurs de ma propre expérience que j’ai construit ma méthode d’accompagnement. Mais ce qui est facile à faire pour les autres est plus compliqué à faire pour soi. C’est compliqué d’avoir une vision objective de soi-même, c’est pour ça que certains coachs sont eux-mêmes coachés. Moi-même je le suis, et ça permet à Pose ta Dem’ de passer à l’étape supérieure. Il faut rester humble et accepter le regard extérieur. Se nourrir de l’expérience de ceux qui sont plus avancés permet d’aller plus vite.

Les freelances qui démarrent et qui pensent ne pas être assez légitimes ou compétents se trompent. Sur une échelle de maîtrise de 0 à 10, il n’y a pas besoin d’être à 10 pour aider les autres. Ceux qui sont à 4 peuvent tout à fait aider ceux qui sont à 2 et bénéficier des conseils de ceux qui sont à 6 ou 7.

 

C’est un bon état d’esprit pour ne pas tomber dans le syndrome de l’imposteur… D’après toi, pourquoi les gens s’éloignent aujourd’hui des carrières typiques ?

Je vois trois raisons à cela : les métiers de bureaux ont perdu de leur sens. Manque d’impact social, forte hiérarchie, nature des tâches… Tout ça génère de la frustration au travail.

Ensuite j’ai l’impression que l’on a atteint un plafond de verre : on a déjà tout, mais malgré le confort matériel et une bonne situation, on n’est pas satisfait de ce que l’on fait.

Et enfin le fait que tout soit accessible sur Internet. Avant, on n’avait que l’expérience et la vision de la famille, de l’école et des amis : c’était un petit microcosme. Aujourd’hui, on sait ce que font les autres, on voit tellement de parcours de vie différents. Il y a des milliards de possibilités différentes, donc ça donne envie de s’éloigner du “parcours typique”.

 

La quête de sens est une question récurrente pour crème de la crème et notre communauté de freelances. Peut-on encore aujourd’hui se réaliser et trouver du sens dans le salariat ?

Bien sûr : l’entrepreneuriat ou le freelancing ne sont pas forcément faits pour tout le monde. Certaines personnes ont besoin d’avoir un cadre ou n’aiment pas manager, recréer une équipe. Dans ce cas, l’emploi salarié est une bonne solution s’il s’effectue dans un environnement stimulant. Et puis je pense qu’il est possible de se réinventer et de trouver du sens en changeant d’emploi régulièrement et en écoutant ses aspirations en permanence.

L’entrepreneuriat ou le freelancing ne sont pas forcément faits pour tout le monde.

 

Jusqu’où va cette quête de sens ? Est-il possible de se dire à un instant : c’est bon, je suis comblé ?

Chacun a sa personnalité, mais je pense que tout le monde veut plus à un moment donné. Nous avons besoin d’évoluer, et nos aspirations changent au cours de notre vie. Donc non, on ne trouve pas sa voie une bonne fois pour toutes ! Personnellement, je sais que Pose ta Dem’ est mon projet de vie. Mais je veux toujours plus, toujours mieux. Développer la boîte, le CA, mais aussi avancer sur mes projets, notamment les conférences ou l’écriture de mon livre.

Les aspirations évoluent, et tant mieux… sinon on s’ennuierait !

 

À quoi ressemblera le monde du travail dans 10 ans ?

Il y aura beaucoup plus de freelances et d’entrepreneurs, même si tout le monde ne sera pas indépendant. Ce qui est certain en revanche, c’est que les entreprises vont évoluer dans ce sens en interne : les grands groupes feront beaucoup plus appel aux freelances, même si pour l’instant c’est un peu lent. Et je pense que quel que soit le métier, l’intérêt sera davantage tourné vers les compétences créatives et les soft skills.

 

Qu’est-ce qui encourage ces évolutions ?

D’un côté, il y a l’humain, qui cherche à développer sa créativité, sortir du cadre de son boulot, redonner du sens et de l’équilibre à sa vie. De l’autre côté, il y a les technologies qui réinventent les manières de travailler et qui bousculent tout. Désormais, on peut travailler à distance puisque l’aspect logistique ne nous contraint plus. On a le champ libre et c’est pour ça que je crois qu’il y aura plus de sens à travailler dans une entreprise dans les années à venir.

 

Qu’est-ce qui fait que les grands groupes peinent encore à s’adapter à ces changements ?

Par définition, dans un grand groupe, il y a du monde, et trop de personnalités différentes. Par conséquent, le moindre petit changement d’outil informatique est une révolution. Même si ces personnes sont volontaires, il faut du temps pour mettre tout le monde d’accord, faire des réunions, porter le projet, valider chaque étape etc. Il faut faciliter les prises de décisions je pense, c’est encore très politique. Au niveau individuel, les gens ne manquent pas de volonté mais les plus anciens sont habitués à ce que les process soient très longs, l’organisation fonctionne comme ça.

 

Penses-tu que le freelancing est une tendance éphémère ou un mouvement de fond ?

Ça va s’inscrire dans la durée et dans la norme je pense, mais comme je le disais, ce n’est pas fait pour tout le monde. Tous les freelances ne réussissent pas. C’est un mouvement de fond pour ceux qui réussissent à prendre ce virage en se démarquant. C’est là que crème de la crème a un vrai rôle à jouer : il faut continuer à éduquer et porter les freelances vers le succès.

Le freelancing va s’inscrire dans la durée et dans la norme

 

Le mot de la fin : quels enseignements retires-tu de toute ton expérience ?

Je retire deux leçons :

La première c’est qu’en se donnant les moyens, il est possible de se créer un projet sur-mesure. Personnellement, j’ai réuni tous les critères qui comptaient pour moi : la passion, ce sur quoi je suis douée et où je peux aider les autres, le format de mon travail et mes tâches au quotidien. Il faut choisir un quotidien plus qu’un projet. Avoir la meilleure idée c’est une chose, mais si c’est rébarbatif au quotidien, on ne sera pas plus épanoui que dans notre emploi salarié précédent.

La seconde leçon c’est qu’il est primordial de s’écouter et se faire confiance. Ne pas s’écouter c’est prendre le risque de vivre une vie qui n’est pas la nôtre. Vraiment, il faut s’écouter soi plutôt que les autres.